Par Dynamik Infos.com
La paix ne se décrète pas par la foi, elle se construit par la transparence et la vérité des engagements : ma réplique à l’intervention du Prophète Joseph Mukungubila sur l’accord RDC–Rwanda
L’intervention récente de Sa Majesté le Prophète Joseph Mukungubila dans le débat national autour de l'accord de paix signé le 27 juin 2025 à Washington entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda suscite à la fois étonnement et devoir de lucidité.
Si l’on doit reconnaître à tout citoyen congolais, y compris aux leaders spirituels, le droit à la parole sur les grandes affaires de la nation, encore faut-il que cette parole soit éclairée, fondée sur une rigueur analytique, et surtout, ancrée dans les aspirations légitimes du peuple congolais.
Car au moment où le pays traverse l’une des séquences les plus critiques de son histoire géopolitique, ce dont les Congolais ont besoin, ce ne sont pas de sermons messianiques ni de spéculations ésotériques sur le jardin d’Eden, mais d’une lecture rigoureuse, factuelle et critique des clauses de cet accord dont le contenu réel reste, à ce jour, entouré d’un flou troublant.
1. Le peuple congolais réclame des réponses, pas des leçons
Qualifier les critiques de manipulation ou d’"intoxication" sans entrer dans le fond du texte, c’est substituer l’analyse à l’invective. Le peuple congolais n’est ni ignorant, ni influençable au point de perdre son esprit critique. Ce peuple qui endure depuis deux décennies les affres de la guerre à l’Est mérite mieux que des jugements de valeur.
Il attend que l’on lui parle des articles, des clauses sécuritaires, économiques et diplomatiques de cet accord. Où est le plan de désarmement des groupes rebelles ? Quelles garanties pour la souveraineté du territoire national ? Quelle implication juridique du Rwanda dans la mise en œuvre de la paix ? Autant de questions restées sans réponse.
2. La paix ne saurait être décrétée sans justice
La paix véritable n’est ni un slogan, ni un don tombé du ciel : elle se construit sur la reconnaissance des torts, la réparation, et la volonté des peuples concernés. Or, dans ce dossier, le Rwanda est pointé du doigt depuis des années pour son rôle dans la déstabilisation de l’Est du Congo, notamment à travers le M23.
Toute démarche de paix qui fait l’impasse sur cette mémoire collective et sur l’exigence de vérité devient un simulacre diplomatique.
L’accord RDC–Rwanda ne peut être un simple produit de la volonté divine ou d’un éclair mystique ; il doit être jugé à l’aune des normes du droit international, des mécanismes de reddition des comptes, et des engagements vérifiables entre États souverains.
3. Les révélations mystiques ne sauraient tenir lieu de politique étrangère
Faire intervenir une révélation biblique pour justifier l’implication d’un président américain dans une médiation stratégique entre deux nations africaines est non seulement périlleux, mais aussi déplacé.
Ce type de rhétorique, fût-elle sincère, relève plus du domaine de la foi personnelle que de l’analyse politique. La géopolitique africaine ne saurait s’aligner sur des visions apocalyptiques ou messianiques ; elle exige rigueur, lucidité et sens de l’intérêt général.
4. Ce que le peuple attend, ce sont les balises de sa souveraineté
Le peuple congolais a trop souffert des accords conclus sans son aval, souvent dans le silence des salons feutrés, loin des douleurs réelles des victimes de guerre. Il est temps de sortir de cette tradition d’accords imposés, sans débat parlementaire, sans publication intégrale, sans débat public.
L'opinion publique congolaise ne réclame pas de simples bénédictions religieuses ou des postures paternalistes : elle réclame un débat sur le fond, éclairé par des données précises, des engagements vérifiables, et une participation active de la société civile.
La paix ne peut pas être un simple vœu pieux. Elle est le fruit d’un processus transparent, inclusif, et enraciné dans la justice et la vérité. Ce dont le peuple congolais a besoin aujourd’hui, ce n’est pas d’un discours stigmatisant les critiques, mais d’un éclairage sérieux sur les dispositions de l’accord, les acteurs impliqués, et les mécanismes de sa mise en œuvre.
En cela, toute prise de parole qui n’éclaire pas le contenu mais cherche à repositionner son auteur comme une voix providentielle doit être accueillie avec prudence, et surtout, avec la maturité politique que les circonstances actuelles exigent.
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