La RDC s’est fait rouler : Analyse critique de l’accord RDC-Rwanda sous couvert des États-Unis ,De Samuel Nkulu, chercheur en sciences politiques et administratives

 






Par Dynamik Infos.com 






La signature récente d’un accord entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous l’égide des États-Unis d’Amérique, suscite une profonde inquiétude et appelle à une analyse rigoureuse, tant sur le plan politique que géostratégique. En acceptant de s’engager dans une dynamique bilatérale, fortement influencée par Washington, Kinshasa semble avoir cédé aux sirènes d’une paix illusoire, dans un contexte où les asymétries de pouvoir, de responsabilité et de sincérité diplomatique sont manifestes.


1. Un rapport de force déséquilibré camouflé sous un vernis diplomatique


La RDC et le Rwanda n’entrent pas dans cet accord sur un pied d’égalité. Alors que Kinshasa est encore en proie à une guerre hybride et multiforme à l’Est de son territoire, Kigali agit comme un acteur régional aux ambitions assumées, doté d’une capacité d’influence démesurée sur les mécanismes de décision régionaux et internationaux. Le Rwanda est régulièrement accusé, y compris par des rapports onusiens, d’être l’instigateur ou le soutien actif des rébellions qui ensanglantent le Kivu. Malgré cela, c’est la RDC, État victime, qui se retrouve sommée de négocier sans véritables garanties, pendant que les agresseurs bénéficient d’une sorte d’immunité politique.


2. Le rôle ambigu des États-Unis : médiation ou manipulation géopolitique ?


Les États-Unis se positionnent en médiateur, mais leur action soulève plusieurs interrogations. Loin de se limiter à un rôle de facilitateur impartial, Washington semble protéger des intérêts géostratégiques plus larges, liés notamment à l’accès aux ressources stratégiques congolaises (coltan, cobalt, lithium). En imposant un agenda de réconciliation immédiate sans traitement préalable des causes profondes du conflit, les États-Unis privilégient la stabilité apparente à la justice, et le silence des armes à la souveraineté réelle. Ce comportement traduit une tendance classique de la diplomatie américaine en Afrique : favoriser des régimes perçus comme fiables, même au prix du sacrifice de la légitimité des revendications des peuples.


3. L’illusion de la paix : quand la RDC abdique sa souveraineté


En acceptant la signature de cet accord, Kinshasa renonce, au moins partiellement, à l’exercice plein et entier de sa souveraineté. La paix ne peut être véritable que si elle s’appuie sur la vérité, la justice et la reconnaissance des responsabilités. Or, l’accord signé occulte systématiquement la question de l’agression armée rwandaise, de l’occupation territoriale de fait par des forces supplétives, et du pillage économique organisé. On est loin de la doctrine onusienne de la « paix par la justice » : ici, c’est la paix par la compromission. En cédant sur ces points, la RDC s’est fait rouler — politiquement, moralement et historiquement.


4. Une faute stratégique majeure pour l’avenir


L'histoire jugera sévèrement cet accord si, comme cela semble se dessiner, il ne produit aucun changement structurel sur le terrain. Il offre au Rwanda une réhabilitation diplomatique sans contrepartie et envoie un signal dangereux : celui que la violation du droit international peut être récompensée par des négociations directes avec la victime. Pour la RDC, il s'agit d’une faute stratégique majeure qui affaiblit sa posture dans les futures négociations régionales et internationales, tout en démoralisant sa population, en particulier les millions de déplacés internes et victimes des violences à l’Est.

La signature de l’accord RDC-Rwanda, même si présentée comme un geste de bonne volonté, constitue en réalité un piège géopolitique dans lequel Kinshasa s’est engouffrée. Sous couvert d’une médiation américaine prétendument neutre, c’est un processus d’instrumentalisation des douleurs congolaises au service d’intérêts exogènes qui se met en place. L’Histoire retiendra que la RDC, en quête de paix, s’est fait rouler. Reste à espérer qu’elle saura corriger la trajectoire avant que cette erreur diplomatique ne se transforme en abdication définitive.

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