Par Jules Mbuyu
Dans une interview exclusive accordée à votre rédaction ce vendredi 13 décembre 2024, l'économiste Urbain David Ngoy Sangwa a plaidé pour la réduction drastique des dépenses publiques, en République Démocratique du Congo.
"Lorsqu'un gouvernement présente une nouvelle loi de finances, celle-ci ne doit pas être considérée uniquement comme un document financier. Elle doit être accompagnée d’une politique cohérente et pragmatique qui reflète les priorités du pays. En effet, la gestion des finances publiques ne se limite pas à la simple allocation des fonds ; elle exige des choix stratégiques visant à optimiser les dépenses et à garantir que les ressources soient allouées aux secteurs essentiels du développement national" dit-il.
Et d'ajouter :
"Une des premières actions recommandées dans toute révision budgétaire est la réduction du train de vie des institutions publiques. Cela implique de revoir les dépenses liées au fonctionnement de l’administration et des différentes institutions de l’État. Il ne s’agit pas uniquement de diminuer les coûts, mais de lutter contre certaines dérives, comme la corruption, qui peuvent détournent une partie des fonds alloués".
En effet, les marchés publics, souvent sujets à des pratiques corruptives, sont un terrain propice aux malversations, ce qui empêche une utilisation optimale des ressources disponibles. Dans de nombreux cas, les fonds destinés à des projets d’intérêt public sont mal orientés, et l’impact sur la population est réduit. Pour remédier à cette situation, il est crucial que le gouvernement se concentre sur une gestion transparente et rigoureuse de ses finances, de manière à ce que chaque centime dépensé réponde réellement aux besoins des citoyens.
Cibler les Secteurs Clés pour Répondre aux Besoins Populaires
L’un des aspects fondamentaux de la gestion des finances publiques consiste à identifier et soutenir des secteurs clés qui auront un impact direct sur la vie quotidienne de la population.
"Parmi ces secteurs, l’agriculture et l’élevage occupent une place de choix. Assurer l’autosuffisance alimentaire est essentiel pour garantir que la population ne manque pas de ressources pour se nourrir" précise cet entrepreneur Congolais.
Cependant, il ne suffit pas simplement de fournir de la nourriture. Il est impératif de se poser la question suivante : "Est-ce que ce que nous produisons est suffisant pour répondre aux besoins du pays ?" La dépendance vis-à-vis des importations est un problème majeur. Si la majorité des produits alimentaires viennent de l’extérieur, il devient difficile de réguler les prix et d’assurer une stabilité économique à long terme. En conséquence, il est essentiel d’investir dans les secteurs de la production locale afin de réduire cette dépendance et de stimuler l’économie nationale.
La Réduction des Prix : Un Accompagnement Essentiel du Gouvernement
Dans ce contexte, la réduction des prix des biens essentiels apparaît comme une mesure indispensable. Cela ne peut se faire que par des sacrifices de la part du gouvernement. Par exemple, l’État peut choisir de réduire le fardeau fiscal pesant sur les commerçants et producteurs. En République Démocratique du Congo, le système fiscal est particulièrement complexe, avec une multitude de taxes et de contrôles qui rendent difficile l’activité des opérateurs économiques.
"Prenons l’exemple d’un bien de consommation courante : une goutte d'eau. Le prix de vente pour un commerçant est d’environ 200 francs, mais une fois les taxes et les marges bénéficiaires ajoutées, le prix final peut atteindre 500 francs. Dans ce cas, la différence de 300 francs représente à la fois le bénéfice du commerçant et les impôts payés. Cette réalité rend difficile l'accès à des biens de consommation pour la population, d’autant plus que ces coûts sont directement répercutés sur le consommateur final" regrette-t-il.
Pour remédier à cette situation, il est crucial que le gouvernement trouve un équilibre. Accompagner la population, c'est renoncer à une partie de ses revenus fiscaux au profit d’un pouvoir d’achat plus élevé pour les citoyens. Ce sacrifice pourrait se traduire par une réduction des taxes, permettant ainsi de baisser les prix et de rendre les produits plus accessibles. Le principe "mieux vaut que la population vive mieux que d’avoir plus de taxes" doit guider cette politique.
La Fiscalité : Trouver un Équilibre pour Éviter la Corruption
Un autre défi majeur réside dans le système fiscal lui-même. En matière de fiscalité, il est souvent dit que « trop d’impôts tuent l’impôt ». Cela signifie qu’une pression fiscale excessive peut avoir l’effet inverse de celui recherché, en décourageant les entreprises de fonctionner dans la légalité et en poussant certains acteurs économiques à recourir à la corruption pour contourner ces taxes.
En multipliant les impôts et les contrôles, l’État risque de créer un environnement propice à la corruption, avec des fonctionnaires et des entreprises cherchant à éviter les lourdeurs administratives. Cela nuit à la collecte des recettes fiscales, tout en accroissant les inégalités économiques et sociales. Il est donc primordial de trouver un juste équilibre entre la nécessité de financer les dépenses publiques et la préservation d’un environnement économique sain et transparent.
Une Loi de Finances au Service du Développement Durable
En conclusion, la loi de finances ne doit pas se limiter à un simple document comptable, mais doit être au cœur d’une politique de gestion des ressources publiques orientée vers le bien-être de la population. Réduire les dépenses inutiles, cibler les secteurs essentiels comme l’agriculture et l’élevage, et accompagner la population par des mesures fiscales adaptées sont des priorités incontournables. En agissant ainsi, le gouvernement pourra répondre efficacement aux besoins des citoyens tout en garantissant une gestion saine et durable des finances publiques.
L’accompagnement des citoyens et des acteurs économiques dans un cadre fiscal simplifié, transparent et équitable est une voie nécessaire pour éviter les dérives et garantir un développement harmonieux et équitable du pays.
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